La neutralité carbone est sur toutes les lèvres depuis quelques années, et les engagements politiques ou privés en faveur du « zéro net émission » fleurissent. Mais que recouvre véritablement cette notion clé dans la lutte contre le réchauffement climatique ?
Et surtout, quelles limites présente-t-elle ? Loin d’être un concept simpliste et consensuel, les implications de la neutralité carbone nous poussent à repenser nos modes de vie de façon fondamentale.
Nos sociétés carbo dépendantes
C’est un fait, nos sociétés contemporaines fonctionnent grâce à d’immenses quantités de pétrole, de gaz et de charbon. Toutes nos activités, de la fabrication de biens à la logistique en passant par les transports ou la production alimentaire, sont extrêmement dépendantes des énergies fossiles, qui représentent plus de 80 % de notre consommation d’énergie finale.
Cette dépendance au carbone s’avère pourtant insoutenable. Les gaz à effet de serre émis lors de la combustion des énergies fossiles constituent le principal facteur responsable du réchauffement climatique aux effets délétères que nous subissons déjà.
Face à l’aggravation des impacts tels que les épisodes météorologiques extrêmes, la fonte du permafrost et la montée des océans, il devient urgent de passer à des modèles sobres en carbone. C’est dans ce contexte que l’objectif de neutralité carbone, ou zéro net émission, acquiert toute sa pertinence. Et pour l’obtention de crédits carbone, il faut y adhérer !
Les défis colossaux de la neutralité carbone
La neutralité carbone requiert une transformation majeure de l’économie, avec pas moins de quatre enjeux :
- décarboner notre mix énergétique en abandonnant les énergies fossiles au profit d’énergies propres renouvelables ;
- augmenter drastiquement l’efficacité énergétique dans tous les secteurs ;
- capturer le carbone si nécessaire ;
- et enfin, garantir des puits carbone suffisants pour compenser les émissions résiduelles.
Qu’on ne s’y trompe pas : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, comme le promet l’Union Européenne, nécessitera des ruptures structurelles de nos modes de vie basés sur une consommation effrénée d’énergie et des flux tendus à outrance.
De surcroît, si de nombreux acteurs peinent à embrasser cette transition, des mesures contraignantes devront être prises, au risque de froisser les libertés et le confort auxquels nous sommes habitués.
La neutralité carbone, une utopie dangereuse ?
Au-delà des difficultés liées à la mise en œuvre de la neutralité carbone, celle-ci suscite également une vive défiance, voire une franche opposition. Si, pour certains, la neutralité carbone apparaît comme un horizon enthousiasmant qui nous reconnectera à la nature, pour d’autres, elle relève du fantasme technologique et conduit à une utopie dangereuse.
Parmi les critiques, l’accent mis sur la neutralité carbone détournerait des efforts nécessaires à la réduction brute des émissions de gaz à effet de serre. La possibilité de compenser les émissions par des puits carbone donnerait bonne conscience sans remettre en cause nos modes de vie.
Enfin, la transition énergétique nécessiterait l’exploitation de nouvelles ressources, minières ou terrestres, au détriment de l’environnement. Ces arguments alertent sur les risques de « solutionnisme technologique » autour de la neutralité carbone, si la sobriété et les changements comportementaux ne sont pas mis au cœur de cette transition.
Pour conclure, la neutralité carbone est un concept clé de la lutte contre le changement climatique. Elle implique un équilibre entre les émissions de GES et leur absorption par des puits de carbone. Mais sa mise en œuvre soulève des défis colossaux de transformation de nos sociétés addictes aux énergies fossiles. Certains craignent même qu’elle ne détourne l’attention de la nécessaire réduction des émissions par la sobriété.Quoi qu’il en soit, la neutralité carbone est une boussole, mais ne saurait constituer une baguette magique face à l’urgence climatique. Seule une refonte profonde de nos modes de vie autour de la sobriété énergétique permettra d’atteindre un jour cet objectif.